Présentation du livre Le Meurtre du Christ de Wilhelm Reich
Le Meurtre du Christ a été écrit l'été 1951, soit quelques années avant la mort de Staline (vingt millions de morts) et celle de Mao Tseu Tong (soixante dix millions de morts), peu d’années après les événements de 1939-45 (quelques millions de morts déjà pour un peintre raté changé en « sauveur de la nation ») qui ont fortement marqué les corps et les esprits et dont la mémoire ne s’était pas encore estompée*.
Les années 1950 sont aussi le temps
des avanies de Reich d’avec la justice états-unienne :
après s'être vu d’abord accusé de
charlatanisme il s'est vu ensuite condamné à mourir en
prison pour outrage à la cour : cheminement coutumier
de la répression des idées qui ont la consistance du
réel. C’est à propos de l’accumulateur
d’orgone que s’est établi le premier acte
d’accusation : sur la foi d'une journaliste en mal de
puissance orgastique, pour elle mirobolante (c'est-à-dire
pornographique vu qu'elle n'en pouvait rien connaître) et sur
ses écrits, un laboratoire de la Food and Drug
Administration a entrepris en catimini une petite succession
d'expériences sur cet accumulateur et a émis les
conclusions selon lesquelles « l’orgone n’existe
pas », conclusions qui ont été ensuite un
point d'appui pour l'établissement du jugement
d’emprisonnement décrété par un ancien
vieil avocat de notre auteur, devenu entre temps juge du Comté.
Wilhelm Reich, qui louait une petite quantité de ces
accumulateurs dans un but d'expérimentation médicale,
s'est vu accusé de charlatanisme, décision qu'il a
contestée, bien sûr et c'est sur cette contestation
qu'il a été précisément condamné à
deux ans de prison ferme avec quelques uns de ses amis.
En
1927, Wilhelm Reich publiait un ouvrage Die Function des Orgasmus
dont Sigmund Freud, le dédicataire (« à
mon cher maître »), s'étonna de
l'ampleur. Cette étude remettait en cause proprement la
prérogative que s'attribuait sur le couple humain le mâle
de notre espèce : l'orgasme est bien plus qu'une simple
érection et une éjaculation parfois pulsatile, c'est
d'abord l'abandon total de l'organisme aux convulsions involontaires
de la décharge d'amour ; et cette fonction amoureuse est
paire et non pas duelle : la part de la femme y a une
importance égale à celle de l'homme. Et corrélativement
il établit la relation entre les difficultés de cette
décharge dans diverses maladies biopsychiques et leur
étiologie : ces maladies sont à la fois les
symptômes du dysfonctionnement de la fonction de
l'orgasme et à la fois le maintien de ce
dysfonctionnement résultant d'un apprentissage de
l'angoisse face au déroulement de la fonction de
l'orgasme.
Un peu plus tard, en 1933, il publiait L'analyse
caractérielle. Le caractère, génital ou
névrosé, est l'adaptation heureuse ou non de la
personne au contexte social dans lequel elle grandit ; il se formule
par expérience dans une rigidité de la musculature
comme réaction à une pulsion intérieure et le
possible mémorisé de réalisation autorisé
par l'extérieur. Cela se passe bien sûr au niveau «
inconscient » c'est à dire neuro-végétatif.
Une personne exprime par son caractère cette adaptation quelle
qu'en soit l'aspect ; et la névrose est la manifestation d'une
adaptation qui a empêché à la personne la liberté
d'aimer suivant la fonction de l'orgasme : à chaque pulsion de
son désir, de l'amour éprouvé, elle se rigidifie
empêchant le flux de la libido dans son cours qui est de tendre
vers sa réalisation. D'autre part, il est remarquable que le
caractère génital, loin d'être continuellement
pourchassé par des « mauvaises idées »,
est capable d'autorégulation et de responsabilité sur
son existence : il est doté d'une morale naturelle en
beaucoup opposée à celle qui régit, dans et
comme ensemble, notre société. Cet ouvrage remettait
aussi en cause l'instinct de mort, hypothèse (Thanatos)
de Sigmund Freud pour asseoir l'observation coutumière du
comportement masochiste humain : Reich démontre que cet
« instinct » est une pulsion secondaire,
c'est-à-dire socialement acquise et en décrypte les
modalités d'acquisition ; à nouveau la répression
de l'Éros, instinct de vie : la vitalité
dans son mouvement et en particulier, la sexuation, le simple fait
d'être sexué.
Latéralement, fut entreprise
la méandreuse éjection de Wilhelm Reich de
l'Internationale psychanalytique d'abord par Anna Freud, la
vierge de fer, puis conjointement avec l'aide de Ernst Jones :
les dissensions entre les théories du Maître et celles
de son rejeton (Reich était dans les plus jeunes
psychanalystes dotés de hautes responsabilités dans ce
mouvement) commençaient à paraître trop
flagrantes ; et surtout cette manière d'avancer la
nécessité d'adopter la société humaine à
la sexualité humaine, et non pas l'inverse, était par
trop gênante pour une pucelle qui voyait dans cette hardie
démarche la perte de la prépondérance de son
pouvoir... du fait de son impuissance à s'adonner à sa
sexualité. La raison apparente en fut qu'il était
adhérent au Parti communiste, alors la pire des maladies
existantes pour tout esprit libéral, tandis qu'il s'agissait
d'une démarche prophylactique auprès des jeunes
sensiblement plus révolutionnaires que leurs vieux et donc se
retrouvaient là où, en ces temps, paraissait une
théorie révolutionnaire pouvant donner
consistance à leurs idées progressistes.
Cependant,
devant la puissance de cette libido, à l'époque
une hypothèse positive de travail émise par Sigmund
Freud, puissance capable de modifier le comportement humain de sorte
qu'il en arrive à ne plus se reconnaître, Wilhelm Reich
entreprit une étude systématique de l'aspect électrique
de ses mouvements. Il établit alors que la libido
correspond exactement à ce qui est appelé et ressenti
comme émotion et que ce mouvement du protoplasme
qui va au monde (expansion/plaisir) ou qui s'en met en retrait
(contraction/angoisse) est présent tant chez le monocellulaire
comme chez le pluricellulaire. La libido n'est plus une hypothèse,
elle est bien une seule et même énergie réelle du
mouvement d'allant ou de reflux du protoplasme. Plutôt que de
l'intéresser, cette découverte a gêné
Freud, et son équipe d'alors : elle a été
dédaignée et certains même l'ont combattue manu
militari puisque Reich a été peu après exclu
de l'organisation psychanalytique.
La découverte de la
présence de la fonction de l'orgasme chez le monocellulaire
a sa petite histoire : Wilhelm Reich avait demandé des
cultures d'amibes à un Institut de biologie qui lui avait
répondu : « Ces cellules sont partout en germe,
dans l'eau et dans l'air : il vous suffit d'en faire vous-même
la culture ! ». Ce que notre vaillant chercheur se mit
en devoir d'exécuter. Il commença par des
décompositions d'« herbe toute bête dans une
eau toute bête ». Il constata alors que ces
« amibes » proviennent surtout de la
décomposition même de la matière végétale
et que l'ordre dans lequel elles apparaissent n'est pas un simple
désordre de hasard (germes aériens) mais bien le
résultat d'une transformation de la matière
végétale en matière animale (plus tard il mettra
aussi en évidence le passage de la matière minérale
à la matière végétale dans le désert
du Texas) passant par un intermédiaire qui, mentionné
dans aucun livre de biologie alors connu de lui (Antoine Béchamps
avait déjà théorisé ses microsymas et le
professeur Tissot avait déjà donné son
compte-rendu sur la tuberculose, maladie interne et non pas
externe), reçut le nom de bion : une vésicule
bioneuse est une cellule autonome doté d'un mouvement
protoplasmique particulièrement vigoureux bien qu'absolument
dépourvu de noyau et, surtout, divisible. Il fit part
de sa découverte au même Institut qui insista sur
l'origine « aérienne » de ces bions.
Wilhelm Reich entreprit alors de stériliser ses culture à
l'extrême (120°C pendant une demi-heure) et il s'aperçut
que le résultat ne changeait pas : les bions, ces
particules vivaces et énergétiquement mobiles (motiles
?) étaient encore présents à la suite de ce
traitement cuisant. On évoqua alors le mouvement brownien.
Le
mouvement brownien est le déplacement fortuit,
hasardeux de molécules ou de particules sous l'effet
des diverses tensions du liquide dans lequel elles baignent :
c'est un mouvement aléatoire de particules. C'est que
les bions en question s'organisent en vésicules
bioneuses, qu'ils ont donc une vie autonome, dotée d'une
« volonté », ce qui n'est pas brownien.
Plus personne n'ayant plus rien à contredire pour ne pas
admettre ce qui est, il ne resta plus que de dénoncer notre
découvreur de dérangé, d'obsédé
sexuel, de danger pour la patrie qui l'accueillait... dont il dût,
finalement déménager à la suite d'une campagne
journalistique en sa défaveur.
Ces stérilisations
suivaient un protocole particulier : il s'agissait de découvrir
de la vie organique dans des conditions extrêmes, c'est-à-dire
de créer des conditions propres à son développement
malgré ces conditions extrêmes. La balance du
vivant dans l'alternance de la fonction choline et la fonction
adrénaline orienta la composition des solutions nutritives de
ces cultures. Et, un jour, un laborantin prit pour une substance
donnée du sable de mer, qu'il passa au rouge sur un feu de
benzène pour le plonger protocolairement dans une de ces
substances nutritives : y naquirent les bions SAPA (sand packets).
Ces bions avaient la particularité d'irriter le nerf optique
de l'observateur qui se penchait sur leur existence dans l'oculaire
du microscope. Après l'avoir enfermée dans une boîte
en métal recouverte une couverture de laine et dotée
d'un dispositif optique d'observation, cette particularité
amena Wilhelm Reich à l'observer dans l'obscurité
complète pour mieux circonscrire cette « énergie
irritante ». La radiation observée de ces bions
sapa persistait alors qu'on les ôtait de cette boîte :
l'énergie dont ils étaient dotés n'émanait
pas seulement de eux seuls, mais une énergie semblable
irradiait dans la boîte elle-même ! Cette énergie
devenait atmosphérique et non plus seulement
organique.
L'accumulateur d'orgone a prouvé son
efficacité dans le traitement des brûlures, des
contusions, des blessures par une accélération de la
cicatrisation. C'est un dispositif passif fait alternativement
de matière minérale et de matière organique, car
la première attire et repousse aussitôt l'orgone
(l'énergie vitale, de la vie, la vivacité) et
l'autre l'attire mais la retient. Il est créé en
conséquence une tension orgonale plus importante dans cette
boîte par une disposition judicieuse de ces couches de
matières, tension que le corps de l'animal qui s'y présente
est plus à même de profiter par une meilleure absorption
qui lui est ainsi facilitée. L'accumulateur ne guérit
pas : il permet au corps de se recharger, de mieux
réguler l'amplitude de sa pulsation de sorte à
se sortir de la maladie, respiration devenue amoindrie de l'organisme
vivant.
L'accumulateur d'orgone pose donc un problème
écologique : dans quelle mesure, dans une ambiance vitale
qui perd crescendo sa vivacité (et donc permet de moins
en moins aux organismes qui la peuplent d'être à même
de pulser selon les lois dont ils représentent le parfait
accomplissement, l'adaptation à cette ambiance vitale), un
apport de vitalité supplémentaire est-il profitable ?
C'était la grande époque des essais nucléaires
aériens entrepris pour que l'animal humain se protège
de l'animal humain, son congénère, sans davantage se
comprendre. Pour comprendre la coexistence de l'énergie
nucléaire purifiée par l'animal humain et de l'énergie
vitale, Wilhelm Reich déposa 1 gr d'uranium dans un très
puissant accumulateur d'orgone. Il s'est alors passé un
phénomène qu'il a nommé Oranur : mettez en cage
un animal vivant : il va se battre contre les barreaux qui
restreignent sa liberté (la manifestation de sa vie telle
qu'elle se manifestait avant son emprisonnement : libre) jusqu'à
se blesser, se meurtrir, s'abîmer, jusqu'à avoir épuiser
toute son énergie vitale : il tombera alors en
prostration et en résignation : il sera devenu immobile
non seulement du fait de son épuisement mais aussi de fait
qu'il ne pourra plus éprouver le besoin de bouger. L'orgone
(l'énergie vitale) mis en présence d'uranium se
comporte de la même manière, mais en pire :
l'énergie dévitalisée (comprenons bien :
« énergie » « dévitalisée »)
devient avide d'énergie de vie, sans plus permettre à
la vie de se développer, de suivre sa croissance ; et
notamment avide d'eau. Non seulement la pollution (chimique,
radio-active, électromagnétique) dégénère
l'énergie vitale en une sorte de contraire, mais elle
transforme son action en action contraire : d'apport et
de manifestation de la vie, elle suce la vie parce qu'elle est
« morte » (DOR :
dead orgone), elle désertifie tout ce qu'elle
atteint.
Situés dans un milieu DOR,
les animaux tentent de se défendre de cet amoindrissement de
leur vie, parfois par la fuite, parfois non. Cette défense
subie, qui est de l'ordre du neuro-végétatif,
c'est à dire de l'« inconscient »
(Freud), du « ça » (Groddeck), est une
rigidification de l'ensemble de l'organisme qui régit son
système moteur, sa musculature ; en d'autres
termes, de sa cuirasse caractérielle (la manière
propre à chacun de s'être adapté au monde en
adaptant au monde ses pulsions, ses allants au plaisir) qui se trouve
renforcée, prononcée, précisée, même
si les conditions physiques dans lesquelles cette adaptation s'est
créée n'existent plus. La rigidification musculaire
diminue l'oxygénation des tissus, etc., mais surtout
transforme les relations sociales. Wilhelm Reich a bouclé la
boucle : la névrose, protection désocialisant
l'individu contre un social en désaccord avec ses pulsions
vitales s'opérant par une rigidification contre la source de
cet interdit (le non-partage de la description du vivant devenant
et demeuré muet : Françoise Dolto) trouve sa raison
organique : l'énergie vitale immobilisée ;
et cette immobilisation de la vie ne peut plus tolérer
de mouvements libres, naturels de la vie : c'est un des aspects
du Meurtre du Christ. Le DOR est la pulsion dépourvue de fin, secondaire, de l'orgone, l'exemption de l'opportune solution de l'orgasme.
La cuirasse caractérielle
a deux fonctions : l'une est post-antalgique : faire
oublier pourquoi, où, quand et comment cette rigidification a
eu lieu et la pulsion elle-même ; et l'autre est
pré-antalgique : protéger contre une autre
ou une série d'autres d'agression provenant de l'extérieur
à cause d'un mouvement intérieur. En
d'autres termes, la cuirasse caractérielle a pour fonction
d'empêcher de prendre conscience de ce qui vous a
blessé, de porter à la conscience à la fois
l'existence même de cette cuirasse et à la fois
sa genèse, de vous rendre à la conscience ce qui était
la vie avant cette rigidification. Les travaux de Ryke Geerd
Hamer nous ont montré le fonctionnement physiologique
cérébrale de la cuirasse caractérielle et une
solution possible pour sa résolution : allez hop ! en
prison !
Un monde ayant subi l'explosion de pollutions
chimique, radioactive et électromagnétique de ces deux
derniers siècles passés (la désertification
effective de la vie qui fuit son lieu de prédilection :
notre planète), due à la rigidification (que l'on peut
parfaitement corroborer avec l'emprise de l'Économie et sa
rigidité impitoyable, booléenne, sur cet espace
vivant) des êtres qui génèrent cette pollution,
aura-t-il la prise de conscience nécessaire afin de cesser son
action délétère, du fait que cette
rigidification lui en enlève la conscience ? Qu'en
sera-t-il de la lutte contre le DOR, que Wilhelm
Reich avait entamée en pensant qu'elle venait de l'extérieur
de la planète alors qu'il est le résultat de l'action
même de cet animal doué de l'intelligence, tandis qu'il
s'en sert pour faire travailler ses congénères
en les maintenant dans un abrutissement affectif, intellectuel et
collectif ? Ce sera l'affaire de deux générations,
pas plus, que de résoudre ce problème (l'humain pour
lui-même), que de dépatouiller ce dilemme : après
nous pouvons douter qu'il lui en restera le temps.
L’orgone
n’existe peut-être pas mais la vie si. Or l’orgone
est un nom que Wilhelm Reich a donné à une forme de la
vie qu'il avait découverte à travers une recherche sur
la libido, afin de la conceptualiser car il en avait
répertorié une série de « lois »
(des manières identiques et reproductibles — qui se
reproduisent — de fonctionnement) : c'est que ces « lois »
recouvrent une très grande partie de ce que nous concevons
habituellement sous le vocable de « VIE »,
et peut-être même au-delà !
La vie, c’est
d’abord la vivacité et la vitalité,
c’est-à-dire sa manifestation. L’énergie
d’orgone est l’expression pour désigner la
vitalité de cette VIE, la vivacité
qu’elle imprègne dans les corps qu’elle compose
pour les animer, l'expression utilisée pour décrire
l’action de l’orgone et son déroulement :
l'orgasme. Le mouvement de l'orgasme se rencontre dans
l'orage, dans la pulsation de la méduse et celle du coeur,
dans la division cellulaire comme dans l'écoulement du temps
des saisons. Un sujet de vie, un orgonome, absorbe pour vivre,
pour entretenir sa vitalité et sa vivacité, de
l'énergie de l'environnement qui l'entoure et dans lequel il
croit et avec lequel il communique intimement pour accomplir un cycle
de vie. Cette absorption est toujours excédentaire : il
absorbe toujours plus qu'il n'en a besoin. Il rejette ses
déchets qui seront donc intégrés à son
environnement (et non pas des transformations nocives à cet
environnement, comme dans le résultat humain). Le mode de
fonctionnement de la vie est de décharger l'excédent
de l'énergie absorbée et accumulée, par des
convulsions, par l'orgasme, une division, une séparation
vitale, incontournable. Chaque forme de vie a ses particularités
de fonctionnement orgastique, c'est-à-dire son rythme et son
point culminant de décharge, aux variations gaussiennes près
pour chaque ensemble d'individus en question, et pour un
environnement particulier.
Un des modes fondamentaux
d’animation de la vie est le rapprochement sexué
(qui use de la sexualité et précise deux spécificités
sexuelles) et son résultat dans et à travers lequel les
individualités se fondent, se mélangent et se
recomposent pour s’y perdre afin de perdre
l’excédentaire de ce que la vie pourvoit au
surplus en vue de maintenir cette vitalité, cette vivacité
en fonctionnement, au cours d'un moment convulsif :
l'orgasme.
Wilhelm Reich a découvert la formule de ce
déroulement de la sexuation du temps (le simple fait d’être
pourvu immanquablement et irrémédiablement d’une
forme ou d’une autre des deux sexes dès le moment où
vous êtes composé d'au moins deux cellules), qu’il
a appelé la fonction de l’orgasme : fonction
qui permet de comprendre précisément le déroulement
de la décharge de l’énergie excédentaire
accumulée du seul fait de vivre : la vie retourne ainsi à
la vie, se maintient et se rencontre.
Pour des raisons
qui interrogent encore les plus sains de nos curieux, depuis environ
8 500 ans, sans qu'il puisse pourtant se soustraire à la
sexuation (on ne peut se soustraire de vivre) l'humain a perdu le
contact intégrant d'avec cette fonction de l'orgasme : il
s'est rendu bien peu capable d'y répondre, ou bien avec force
difficultés, contournements, rites, manies, conspuassions,
compétitions sportives, convulsions épileptiques, en
passant par moult guerres, famines, répressions individuelles
et collectives, l'érotique de l'interdit, la misère
affective, physique, sociale, le pouvoir sur l'autre. Et,
corrélativement à cette perte de contact amoureux,
l'humain devenu impotent à décharger son énergie
intérieure s'est mis à accumuler extérieurement
de l'énergie, à accumuler les résultats d'une
transformation elle aussi énergétique pour, non plus se
sentir riche du mouvement de la vie, mais en vue d'une comparaison
sans fin d'avec son prochain : sa voracité étant
devenue telle qu'il a dû inventer des équivalents de
dépense énergétique pour pouvoir en accumuler
plus encore, la thésaurisation, des signes extérieurs
de richesse. Cela ne lui sert à RIEN, mais
il est content : il est riche ! À ceci près
qu'il a dû déposséder d'autres, maintenus par les
coups dans le silence, de cet ensemble équilibré du
mouvement de la vie dans son déroulement.
Comme
ensemble, la vie est une provende : cet humain a donc pu jusqu'à
peu (deux cents ans, environ) transformer la planète en vue
d'une telle accumulation sans trop de dommage pour elle. Mais
cette frénésie est aujourd'hui devenue, par le nombre,
périlleuse pour l'état de santé même de ce
sur quoi nous posons nos pieds et qui est au moins aussi vivant que
cet humain, sinon plus puisque cette planète pourvoie à
son existence : les banques regorgent du vent de son activité
et de sa production, l'équivalent à cette perte de
contact avec lui-même et parallèlement la pollution :
l'exacte mesure du travail excédentaire, la nocivité
réelle de cette activité délirante et dérisoire.
L'autorégulation qui est née avec lui, comme avec toute
forme de vie, a été brisée chez l'humain** et
s'y pencher, pour en trouver une solution, ne l'intéresse
plus : il met en prison, ou lui ferme la bouche, celui ou celle
qui tente d'en trouver la source qui, comme par un heureux hasard,
apporte aussi une jouvence, un renouvellement comme sans fin dans la
satisfaction de vivre dans toute sa modulation.
La
manifestation auto-entretenue de cette scissure du mouvement de la
vie est la peur de perdre instillée dès le plus
jeune âge dans les entrailles du vivant. Le plus fort trouvera
une légitimité dans sa force pour s'accaparer par la
force ce qui serait susceptible de combler cette peur, le plus rusé
se servira de sa ruse dans le même but. Et ce plus rusé,
car l'humain est un être profondément social, va tenter
de donner une organisation, dans son cadre de pensée,
rationnelle à l'immense désordre dans lequel il se
trouve, et qu'il a créé du fait de cette perte de
contact renversée en peur de perdre, par des sciences (dont
l'une d'elle s'appelle même « de la vie »...
perdue, donc froide et indifférente) enseignées dans
les collèges et les universités. L'Économie est
une de ces tentatives de rationalisation : comment réguler ce
foutoir de baisage de gueule et d'enculage de mouches dont les
formes se retrouvent à chaque niveau de l'échelle
sociale, encore que moins prégnante chez les démunis,
qui n'ont plus rien à perdre, sauf leurs chaînes qu'ils
gardent en attendant d'en accabler un sauveur. Mais, justement,
pourquoi gardent-ils ces chaînes ? Le Meurtre du Christ
va nous éclairer sur ce phénomène.
C'est
là bien une manière de penser, de ressentir le monde
selon l'image que l'on a de soi dont ces sciences, cette
auto-rationalisation, sont le contournement, le reflet de ce
qu'on veut éviter. Ces sciences, ces tentatives de
rationalisation à ce désordre engendré par la
perte de la fonction de l'orgasme, nous pouvons les résumer
dans cet attrait pour la fétichisation des choses et
des êtres, dont la règle est cette Économie qui
règne maintenant d'une manière autonome sur le
monde***. Car il s’agit précisément de perte
d’énergie vitale, c’est-à-dire du
contentement d’exister comme fondement du don (ou l'inverse),
puisque c’est effectivement cette pure perte d’énergie
qui est la vitalité, la vivacité, la manifestation de
vie qui n'a rien d'économique. Les scientifiques, comme
des mécaniques, se sont même aperçu depuis assez
longtemps que le fait et les conséquences du rapprochement
sexué, de l'étreinte sexuelle, ne sont pas rentables,
qu’ils dépensent plus d’énergie que n'en
requerrait un autre (sic) mode de reproduction, que le fait de
se reproduire par le mode du zygote (qui implique, donc, ce
rapprochement) n’a rien de compréhensible du point de
vue de la dépense, de l'économie
d’énergie : c’est l’achoppement de leur
mysticisme. L'économie sexuelle (Wilhelm Reich
affectait de ses servir des mots de l'aliénation pour leur
donner un sens neuf et tangible) passe par la fonction de l'orgasme :
le/la mystique la contourne par l'évitement de la sensation
qu'il/elle éprouve de ses organes génitaux et le/la
mécanique par l'évitement de l'émotion
qu'il/elle éprouve de ces organes génitaux.
Le
déroutement de l'émotion de son cheminent sexué
lui ôte, identiquement au phénomène du DOR,
de son activité vitale, de sa vivacité et la permute en
un caractère délétère : c'est ce que
Wilhelm Reich nomme la maladie émotionnelle épidémique
du genre humain (the emotionel plague of mankind le
sous-titre du livre), car ce renversement de la vitalité de
l'émotion suscite tant de haine chez celui dont la vitalité
est sérieusement amoindrie (et qu'il jalouse secrètement
dans sa présence chez l'autre) qu'il lui faut à tout
prix l'étouffer, la contraindre, l'emmailloter serré,
sinon même, dans les cas extrêmes d'impossibilité,
car cette vitalité est vigoureuse, la tuer. L'aspect
épidémique se manifestera en ceci que, ayant
tous été une durée plus ou moins longue en
contact malheureux et comme objet avec un emprisonnement de la
vie, de voir l'action de l'émotion pestilentielle (qui pue
comme la peste) incite en soi le désir de l'imiter, ou de ne
pas protéger la vie mise en souffrance, de rester paralysé
face à l'agissement du grand ou du petit malade
affectif.
Chez les primates, et particulièrement chez
l’être humain, revirement de la conscience du vivant
sur soi-même, la perte (pas la dépense : la
perte) énergétique est telle, comme nécessité,
que le rapprochement sexué n’a plus aucune
relation avec la reproduction de l’espèce (voir, pour
corroboration : La paternité dans la psychologie
primitive et sa postface) : il est la joie de la division,
il en a fait une souffrance. En d’autres mots : toute
l’énergie jusqu’ici dépensée
en travail l’est en pure dépense pour ne pas la
perdre. Et on en voit le résultat à cette pollution que
génère cette réduction du vivant au minéral
par cette consommation minérale du vivant (et non plus de
lui-même, en tant qu'organique) et au caractère
mortifère de cette production, ces succédanés
d'« orgasme involontaire » : Tchernobyl,
Bhopal, Amoco Cadix, dans une absence de pulsation ample (les
auto-mobiles, la spectation, par exemples) et la retenue dans
la surexploitation du vivant pour le transformer en travail mort :
l'argent, la pauvreté, le maintien de la misère
sociale, affective et sexuée, individuelle, et le reste. Ce
travail (work), devenu fonctionnement dépourvu d'organicité, a détruit en deux cents années ce que la VIE qui va son cour, ce qui vit a mis des
millions d'années à construire.
L'humain est
toujours et encore un problème pour lui-même,
problème dont il cache la face en s'octroyant des brevets (le
reflet de la face) d'intelligence par une maîtrise de la
matière : c'est ici le détournement pratique de
son attention de sa propre matière, dont il s'effraie
tant et qu'il fuit comme il fuit la division. Du fait que sa
vivacité, que sa vitalité n'est pas perdue par
un entretien d'elle-même, en amour, en relation d’être
à être, d’être à ensemble d’êtres
et d'ensemble d'êtres à être, par l’évitement
de son genre, de son état d’être, l'humain
travaille à détruire la vie. Pour nous donner à
comprendre cette obstination, dans sa très grande expérience
de l'être humain et de la sienne propre, Wilhelm Reich a écrit
Le Meurtre du Christ : montrer et démontrer que
l’être humain, bien loin de vouloir se reconnaître
pour se connaître, s’évite sans cesse avec
méthode, et laquelle et pourquoi, car il évite la
vivacité qu’il représente de la vie en tant que
moment et la vitalité de la vie qu’il incarne en tant
qu’événement.
Le Meurtre du Christ
paraîtra dans le courant de
l'année 2007.
*C’est de cette époque qu’émanèrent les lois les plus compréhensives vis-à-vis des détenus (ceux qui sont mis en prison) de la République parce que bon nombre des députés (ceux qui font les lois) et responsables politiques d'alors y avaient fait des séjours plus ou moins longement incarcérés et certainement pour des raisons autres que de la délinquance économique : la prison est la réalité synthétique du piège qui se referme sur lui-même, de la trappe sociale que présente l'ensemble de notre mode de vie en tant que société, ensemble de personnes d'un même groupe social.
**On ne trouvera pas dans notre traduction le mot « homme »
pour désigner le genre humain, mais humain ou être
humain, laissant ce mot pour l’humain mâle et «
femme » pour l’humain femelle.
***D'autres diraient «
marchandisation du monde » pour éviter le noeud du
problème : la relation du et dans le couple humain, la
satisfaction et son mode que ce couple obtient de lui-même et
le rejaillissement de cet ensemble sur le monde !